Créer et se montrer ? Trouver l’équilibre entre l’art et la communication

Pendant longtemps, j’ai eu l’impression de passer plus de temps à me rendre visible qu’à créer réellement.
Une sensation diffuse, parfois culpabilisante : celle d’être plus “présente” en ligne que dans mon atelier.

Plus souvent en train de parler de mon travail que de le faire exister.

Et puis, un jour, une phrase a mis des mots précis sur cette tension.

Une phrase qui déculpabilise

Lors d’un Singulart Talk animé par Véra Kempf, j’ai écouté l'intervention de Magnus Resch, expert du marché de l’art.
Il a dit, sans détour :

“Les artistes doivent passer 80 % de leur temps à communiquer et à se vendre. Les 20 % restants à créer.”

Sur le moment, cette phrase m’a bousculée.

Parce qu’en réalité, ce déséquilibre n’est pas un mythe personnel.
C’est une réalité partagée.

Ce que disent les chiffres

Quelques études récentes viennent confirmer ce que beaucoup d’artistes ressentent :

  • Une étude menée par Art Basel & UBS (2022) révèle que 65 % des artistes émergents consacrent la majorité de leur temps à des tâches non créatives : communication, réseaux sociaux, ventes, administratif…

  • Selon The Creative Independent, 70 % des artistes passent plus de 10 heures par semaine à communiquer plutôt qu’à créer.

  • Et d’après une étude de Malt & BCG (2023), la visibilité reste le facteur n°1 de pérennité pour les créatifs indépendants, loin devant le talent ou le réseau.

Ce constat n’a rien de cynique. Il est structurant.
Créer aujourd’hui, c’est aussi s’exposer, se raconter, s’organiser.
Et cela ne signifie pas qu’on est “moins artiste”.

Changer de regard sur la communication

Le vrai problème, ce n’est pas de consacrer du temps à la communication.
C’est de croire que ce temps est “hors” de la création.

Longtemps, j’ai opposé ces deux mondes :
👉 d’un côté, le geste pur, l’atelier, l’intuition.
👉 de l’autre, le numérique, les mails, la promotion, la stratégie.

Mais j’ai fini par comprendre que cette séparation me freinait plus qu’elle ne me protégeait.
Il fallait que je revoie mes repères. Que je crée un rythme aligné.

Trois habitudes qui ont changé ma manière de travailler

Aujourd’hui, j’essaie de composer avec ces deux dimensions – création et visibilité – sans les opposer. Voici ce qui m’aide au quotidien :

✅ 1. Respecter mes pics d’énergie créative

Je consacre mes matinées à la création.
C’est là que mon esprit est le plus clair, que mes gestes sont les plus libres. J’évite d’y intercaler des tâches administratives ou numériques.

✅ 2. Structurer mes journées par blocs

J’attribue des créneaux spécifiques à la communication, la prospection et les e-mails. Cela m’évite la dispersion permanente et les allers-retours mentaux entre deux “mondes”.

✅ 3. Me laisser des plages de vide

Je garde des moments sans objectif précis : ni création, ni gestion. Ces respirations sont précieuses. Elles laissent entrer l’imprévu, l’intuition, l’élan.

Repenser la visibilité comme un prolongement de l’acte créatif

Aujourd’hui, je considère que communiquer fait partie de ma démarche artistique.
Cela ne veut pas dire tout exposer, ni céder à toutes les injonctions.
Mais cela signifie faire de la place à ce geste-là : celui de rendre visible ce qui est né dans l’invisible.

C’est aussi une manière de créer des ponts. De rencontrer. De transmettre.

Ce changement de regard m’a libérée.
Je n’ai plus à choisir entre l’authenticité de l’atelier et l’exposition de mon travail.
Les deux coexistent — si je leur donne une juste place.

Créer sans culpabiliser. Communiquer sans s’épuiser. C’est possible.
Cela demande du soin, du cadre, de l’écoute de soi. Mais c’est un chemin fertile.

Previous
Previous

Creating and Being Seen? Finding Balance Between Art and Communication

Next
Next

Creating a Custom Work: The Story of a Creative Encounter