Le rôle de l’artiste à l’ère de l’IA
Créer ce que la machine ne peut pas ressentir.
Il y a quelques jours, j’ai assisté à une conférence passionnante organisée par Feminin Pluriel | Paris, animée par Charlotte Delafond.
Une question simple — et vertigineuse — y a été posée :
Que devient l’art face à l’IA ?
Je suis repartie nourrie, troublée… et curieusement rassurée.
Parce que je crois que le rôle de l’artiste, dans notre époque de mutations technologiques, est plus que jamais essentiel.
🧠 IA et création : une nouvelle révolution ?
Ce n’est pas la première fois que l’art traverse une révolution technologique.
L’apparition de la photographie au XIXe siècle a bouleversé la peinture : représenter fidèlement le réel n’était plus nécessaire.
Cela a ouvert la voie à d'autres explorations : l’émotion, l’invisible, l’intériorité.
En 1912, Kandinsky écrivait dans Du spirituel dans l’art :
"L’art doit exprimer ce que l’image technique ne peut pas dire."
L’abstraction est née de cette idée : libérer la forme et la couleur de la simple imitation du monde visible.
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle nous confronte à un bouleversement similaire.
Les images générées sont rapides, spectaculaires, techniquement bluffantes.
Mais quelque chose manque.
Ce que l’IA ne peut pas créer : le lien, l’âme, le trouble
L’IA ne doute pas.
Elle n’hésite pas.
Elle ne cherche pas.
Elle ne traverse ni la peur, ni la joie, ni le manque.
Or l’art naît souvent là : dans l’imperfection, dans l’attente, dans le déséquilibre fécond d’un geste vivant.
L’artiste ne produit pas.
Il éprouve, il cherche, il risque.
Et de cette vulnérabilité naît une œuvre traversée par l’humain, par l’invisible, par la mémoire du corps.
L’abstraction comme réponse au monde numérique
Dans ma propre pratique, je travaille l’abstraction émotionnelle, les formes ouvertes, les textures organiques.
Je cherche à créer des œuvres qui ne s’imposent pas, mais habitent l’espace, comme un souffle ou une présence discrète.
Chaque peinture est un temps suspendu.
Chaque commande sur mesure est une rencontre.
Une manière de dire : "je vous vois, je vous écoute, je peins ce que vous traversez."
Dans un monde où l’image devient parfois simulacre, je crois à la vibration du vrai.
Une œuvre abstraite peut sembler "inutile" aux yeux d’un algorithme.
Mais elle touche — parce qu’elle est habitée par une intention, une émotion, un corps.
✊ Défendre une écologie du geste
Face à la vitesse, à l’automatisation, à la standardisation des formes,
je choisis une autre voie :
la lenteur
la matière
le hasard
l’écoute
la fragilité comme force
Créer aujourd’hui, pour moi, c’est résister.
C’est redire la valeur du sensible.
C’est défendre l’idée que l’art n’est pas une production, mais une expérience.
Et demain ?
L’IA continuera d’évoluer.
Elle accompagnera peut-être nos outils, nos processus.
Mais elle ne pourra jamais remplacer ce regard singulier qui émerge d’une vie vécue.
Le rôle de l’artiste, aujourd’hui, est peut-être celui-ci :
faire entendre une voix humaine dans un monde d’imitations.
Une voix qui doute, qui ressent, qui vibre.
Une voix qui cherche à relier, plutôt qu’impressionner.